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Délices de « mauvaises herbes »

La cuisine sauvage consiste à cueillir soi-même des plantes et à les employer dans des préparations gourmandes. Elle permet de sortir de chez soi pour redécouvrir la nature et de se faire plaisir.
La cuisine sauvage est une reconnexion avec la nature. Elle amène à s’intéresser à des plantes souvent méconnues et qualifiées de « mauvaises herbes », à découvrir leurs vertus et surtout leurs saveurs insoupçonnées.

Originaire de Namur, en Belgique, Lionel Raway a fondé il y a dix ans l’association Cuisine Sauvage. Cette association d’intérêt général dispense des formations sur la cuisine des plantes sauvages comestibles, aussi bien auprès des écoliers et des particuliers que d’entreprises et de professionnels de l’hôtellerie et de la restauration. Son équipe de passionnés assure environ 200 formations par an, entre la région parisienne et la Belgique. Entre balades-cueillettes, formations et ateliers-cuisine, l’activité rencontre un succès grandissant, autant chez les citadins en mal de verdure que chez les amateurs de grand air à la recherche de savoirs et de gestes ancestraux. Les bénéfices sont immédiats : renouer avec la nature, comprendre la biodiversité, créer des liens au sein des groupes
Les plantes sauvages échappent à la culture et, le plus souvent, à la vente. 

« Encore faut-il savoir les identifier et les préparer correctement.
Mon conseil est : en cas de doute, abstenez-vous », insiste Lionel Raway.

Ainsi, pour limiter les risques de confusion, le débutant privilégiera les plantes sauvages très communes – comme l’ortie, le plantain et le pissenlit. « Il est regrettable de devoir mettre en garde dès le début mais il existe des risques : certaines plantes peuvent être toxiques, voire mortelles », indique l’expert, qui tempère : « mais neuf plantes sauvages sur dix ont quelque chose de bon à offrir. » La cuisine sauvage se pratique toute l’année en fonction des saisons. Le printemps en est la « saison merveilleuse » : jeunes orties, lamier pourpre (qui rappelle la betterave pourpre), épiaire des bois (injustement nommé « ortie puante ») : quand vous froissez son feuillage, il s’en dégage une odeur de cèpe de Bordeaux ; mais aussi la pimprenelle, qui pousse sur les sols calcaires et recèle une saveur de concombre frais et de frangipane ; la berce au goût d’agrumes ; le sureau noir, propre à confectionner des pâtisseries et des boissons.

CUISINE POUR TOUS

Ni végétarienne, ni végane, cette cuisine s’adapte à tous les goûts. Lionel Raway privilégie une plante par plat, pour éviter la dilution de sa saveur. Et d’évoquer un pigeon cuit à basse température avec son coulis de sureau, suivi d’un sorbet, également au sureau. L’épiaire apportera sa saveur de cèpe à des ravioles farcies de ricotta, jambon fumé et jeunes oignons. Les orties se prépareront en gaspacho, lié avec un fromage frais aux fines herbes.
Chaque plante a ses vertus. L’égopode est surnommée « l’herbe aux goutteux » car elle supprimerait l’excès d’acide urique qui provoque les attaques de la goutte. La reinedes- prés a des vertus anti-inflammatoires : comme l’aspirine, elle contient de l’acide salicylique. La racine de la berce serait aphrodisiaque, tandis que le houblon, à l’inverse, est réputé anaphrodisiaque.
La cuisine sauvage est vertueuse. Elle emploie des plantes non cultivées et encourage une alimentation durable : « Ces aliments de saison, sourcés localement, n’exigent pas de surface agricole, d’emballage et de transport ; ils sont bios et équitables. C’est une démarche respectueuse de la nature, qui nous aide à observer son équilibre », assure Lionel Raway. Les risques de dérapage existent, cependant. Des plantes très appréciées, comme l’ail des ours, font de plus en plus l’objet de cueillettes abusives, parfois à finalités commerciales. Loin de l’esprit de la cuisine sauvage, qui se trouve autant dans le respect de la nature que dans l’appréciation de saveurs rares.

RESSOURCES

L’association Cuisine Sauvage fondée par Lionel Raway est subventionnée par l’État belge. Elle regroupe une équipe de passionnés aux profils très différents, de l’ingénieur au guide de randonnée. www.cuisinesauvage.org
Le Chemin de la Nature, entreprise fondée par Christophe de Hody, propose des formations et des ateliers. www.lechemindelanature.com
François Couplan est l’un des premiers à avoir promu la cuisine sauvage, pratiquée avec son ami, le chef étoilé savoyard, Marc Veyrat. Il est l’auteur d’une soixantaine d’ouvrages. www.couplan.com