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Les écrans sont partout et on leur parle.

Le psychiatre Serge Tisseron, docteur en psychologie, estime qu’il faut encadrer l’utilisation des nouveaux outils numériques, en soulignant les enjeux pour la santé et pour la société : « L’humain doit suivre un apprentissage de l’usage des écrans et s’habituer à interagir avec un robot sans le prendre pour un semblable, » dit-il.

« Alexa : quel est le cours du CAC 40 ? » ; « OK Google : quel temps fera-t-il demain ? ». Il est devenu habituel de parler à des machines. Seulement, face à son écran de téléphone ou un autre, les internautes n’en sont pas toujours conscients. Mine de rien, « nous passons du ‘cliquer’ au ‘parler’ », explique le psychiatre Serge Tisseron, dans son ouvrage « L’emprise insidieuse des machines parlantes »*.
Ce constat inquiète le chercheur, qui a montré la vulnérabilité des enfants face aux écrans.
« Il est important que l’usager d’un outil numérique sache s’il a affaire à un robot ou à un humain, d’une part, et, d’autre part, que les machines ne remplacent jamais l’humain dans la relation avec des semblables », indique-t-il.

Il s’agit d’éviter par exemple, qu’un jour, on ne sache pas si on se trouve face à un humain ou un robot. Les concepteurs des machines ont la possibilité d’éviter la ressemblance au lieu de la provoquer. Selon le chercheur, si nous nous habituons à interagir avec un robot comme avec un humain, au fil du temps, nous effacerons la distinction. « Le seul critère de différenciation serait alors l’utilité », redoute-t-il.

Serge Tisseron se méfie des « chatbots », ces agents conversationnels qui interpellent les internautes sur l’écran de leur tablette, de leur ordinateur ou de leur smartphone : « bonjour, comment puis-je vous aider ? ». Face à l’écran, on échange avec un algorithme, sans le savoir : que l’on demande les horaires d’un magasin ou comment décrire un sinistre pour une déclaration à son assureur, il nous répond du tac au tac ! De quoi entretenir la confusion, notamment chez les plus jeunes.

Serge Tisseron s’interroge de savoir, par exemple, s’il faut apprendre aux enfants à être polis avec un chatbot ? Pour sa part, il est favorable à laisser les enfants explorer la réactivité des robots, mais en prenant soin de « leur dire à chaque fois, s’ils étaient tentés de nous parler de la même façon : c’est comme ça que tu parles à ta machine, mais ce n’est pas comme ça que tu me parles à moi ! »

* « L’emprise insidieuse des machines parlantes », aux Éditions Les liens qui libèrent (2020). 210 p.

DE LA TÉLÉ AU SMARTPHONE

Passionné par l’image, élevé dans un foyer sans livres, le psychiatre Serge Tisseron rédige sa thèse sous forme de bande-dessinée, en 1975.
Depuis, il travaille notamment sur l’impact des écrans sur la santé des personnes.
Dès 2003, il crée l’Institut pour l’étude des relations homme-robot. En 2007, il établit la grille « 3-6-9-12, pour apprivoiser les écrans ». Après la télévision, les ordinateurs, les smartphones et les tablettes, il s’intéresse aux machines parlantes (enceintes connectées, assistants vocaux…).

« 3-6-9-12 » : LE BON USAGE DES ÉCRANS POUR LES ENFANTS

Élaborée par Serge Tisseron, la grille « 3-6-9-12, pour apprivoiser les écrans » adapte l’usage de l’écran aux différents âges de l’enfant : l’adulte définit son temps d’exposition, l’incite à parler de ce qu’il y voit et encourage les activités créatives.
Avant 3 ans : je lui interdis l’écran, qui peut le détourner d’activités nécessaires à son développement (motricité, attention…).
De 3 à 6 ans, je choisis avec lui un programme de qualité et limite sa pratique dans le salon. Pas dans la chambre !
De 6 à 9 ans, en plus des consignes précédentes, je le sensibilise au droit à l’intimité, à l’image, aux fausses nouvelles…
De 9 à 12 ans, je le laisse aller sur internet, seul ou accompagné selon ma décision.
À partir de 12 ans, je lui parle de téléchargement, plagiat, pornographie, harcèlement.